"Notre origine ne semble pas si importante et
pourtant, nous avons tous un rapport mystérieux au pays
d'où nous venons." Randal Douc. |
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"J'ai finalement choisi de m'inspirer de Pol
Pot. Une voix douce, caressante, un visage amical, et derrière
ces faux airs, des intentions noires." Vanny, comédien. |
Jeudi 20 juillet 2006Cambodge Soir. Rencontre.Randal Douc libère la parole d'une générationC'est l'histoire d'une jeune française,
Laure. Son père s'est installé
dans un petit pays d'Asie et ne donne plus de nouvelles. La jeune
fille part donc à sa recherche. Mais le pays est en proie
à une
violente guerre civile. Laure n'est pas concernée par les
malheurs de
la population. Pourtant, elle ne peut ignorer la douleur de ces
frères
ennemis qui n'arrivent plus à communiquer. Voici le point de
départ de
l'histoire Les hommes désertés, la
pièce écrite par Randal Douc, un auteur franco-khmer. Ce
petit pays d'Asie n'est jamais nommé mais chacun devine
facilement les contours du Cambodge. L'action se déroule ainsi
aux alentours d'un fameux 17 avril, jour de la prise de Phnom Penh par
les khmers rouges. Ces derniers s'appellent dans la pièce les
écharpes noires. Malgré ces clins d'oeil historiques
évidents, Randal Douc ne veut pas que sa pièce se passe
au Cambodge. "C'est une manière de dire que cette histoire nous
concerne tous. Cela s'est passé au Cambodge mais ça peut
se passer ailleurs. Et puis, je ne voulais pas que les gens jugent
l'histoire à la lumière de ce qu'ils savent sur le
Cambodge. Je ne parle pas seulement de l'histoire du pays mais
également d'un personnage qui se cherche. La recherche du
père, c'est la recherche d'une transmission qui fait
défaut", explique le dramaturge. |
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C'est la deuxième fois qu'il le voit
mais ce jour-là, son
émotion le surprend. "Je suis pourtant de culture
française. Mais en regardant ce film, je me suis senti
attrapé, bouleversé. Notre origine ne semble pas si
importante et pourtant, nous avons tous un rapport mystérieux au
pays d'où nous venons. Peut-être est-ce à ce
moment-là qu'est né ma curiosité." Tiphanie Roquette |
Lundi 28 août 2006Cambodge Soir. Féminin Singulier.De Chenda à Thida, la naissance d'une comédienneEn arrivant au café du Centre culturel français (CCF), Pumtheara Chenda déclenche des murmures parmi un groupe de jeunes. Cette jeune femme, à la silhouette mince, aux grands yeux brillants, ils l'ont déjà vue quelque part, mais où? Difficile de reconnaître dans ce visage souriant la femme soldat qui versait des larmes plus vraies que nature, la veille, sur la scène du cinéma du CCF, dans la pièce Les hommes désertés, de Randal Douc. Ce sont ses yeux aux longs cils, capables de pétiller de joie et de pleurer en l'espace de quelques secondes, qui lui ont permis d'être sélectionnée par le metteur en scène et l'auteur, affirme-t-elle : "Je n'avais aucune base de théâtre parlé. Mais peut-être m'ont-ils choisie parce que je suis douée pour pleurer dans les scènes émouvantes". Etudiante à l'Université des Beaux-Arts, Chenda pratique depuis qu'elle est toute petite la danse classique. Avec Les hommes désertés, la jeune femme de vingt ans a vécu une nouvelle expérience, devenue en quelque mois comédienne de théâtre parlé sous la houlette d'un metteur en scène français. Elle n'avait pourtant pas l'intention de se lancer dans une telle aventure. Par curiosité, Chenda a accepté d'accompagner un ami au casting d'une pièce de théâtre dont elle ne connaissait rien. Racontée par l'auteur lui-même, l'histoire de cette pièce la bouleverse : elle décide de tenter sa chance. Malgré son jeune âge et sa voix discrète, elle décroche, au terme d'un casting de trois jours, le rôle de Thida, une femme soldat fière et violente, orpheline de père, qui refuse de quitter son pays. Un rôle à contre-emploi, qui montre l'étendue de son talent, alors qu'elle est d'un naturel calme. "Tout le monde a été surpris de mon comportement sur scène, s'amuse-t-elle. Mon père n'en croyait pas ses yeux de voir sa fille capable d'être aussi méchante! Mes amies n'auraient jamais pensé que je pouvais crier aussi fort. Pourtant, elles ont l'habitude de m'entendre râler!" Tous ces commentaires sont autant de signes encourageants pour Chenda. Mais cela ne s'est pas fait du jour au lendemain. Elle s'est dépensé corps et âme pour se plonger dans la peau de ce personnage cruel. Son père, vice-doyen de l'Université des Beaux-arts, l'a incité à s'inspirer du film "La Déchirure". |
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Chheang Bopha |
Mardi 29 août 2006Cambodge Soir. Théâtre.Les Hommes désertés de Randal Douc libèrent leur violence sur les planchesDes répliques aussi déchirantes que poétiques tombant comme des couperets, des acteurs qui se jettent à la figure des vérités que l'on refuse d'entendre et le spectateur qui, au fur et à mesure que se joue la pièce, s'affaisse un peu plus dans son fauteuil, agressé par la violence qui s'exprime dans les voix, submergé par les émotions qui l'assaillent de toutes parts. Dans une mise en scène sobre et efficace de Christophe Maltot - qui dirige depuis 2003 le département théâtre du Conservatoire d'Orléans - des êtres meurtris déclinent leurs souffrances qui riment avec absences. Tous des hommes désertés, du nom de la pièce de Randal Douc, un Cambodgien de 35 ans vivant en France, parti en 1973 du royaume avec sa famille (cf CS du 20/07/06). Destins croisés dans un pays en guerre que l'on imagine être le Cambodge (même si cette contrée n'a pas de nom, elle a un "17 avril" fatidique, des "écharpes noires" et s'enfonce dans une folie meurtrière) et transmissions multidimensionnelles de la mémoire : verticale, des parents aux enfants; horizontale, de la victime qui se déleste de son lourd témoignage auprès d'un dépositaire qui en fera vivre le souvenir. La pièce tout en symboles de Randal Douc, donnée au Centre culturel français mercredi et jeudi soirs, invite assurément à la réflexion. Si les mots s'étranglent parfois dans les cris oppressants des acteurs, le khmer et le français se répondent en harmonie, les acteurs français et cambodgiens récitant le plus souvent leurs textes dans leur langue maternelle. Un débit rapide, haletant, angoissant. Difficile de sortir indemne de la séance. "Le jeu des acteurs est très bon. Surtout le petit chef khmer rouge et la soldate Thida, dont les personnages se métamorphosent d'une scène à l'autre de manière convaincante. Mais la pièce est très agressive, au point qu'il m'est arrivé à plusieurs reprises de perdre le fil de l'histoire", commentait mercredi soir à l'issue de la représentation Safarina, employée au Centre de documentation du Cambodge (DC-Cam). La jeune femme estime que ce concentré du régime sanguinaire offert sur les planches en l'espace de deux heures est fidèle à la réalité. |
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![]() Le jeune Vanary, qui incarne avec talent un petit chef khmer rouge despote, se réjouit de l'initiative de Randal Douc : "Peu de jeunes Cambodgiens comme lui auraient eu, ici, l'idée d'écrire une pièce sur ce chapitre de notre histoire. Jouer dans cette pièce m'aura beaucoup appris, tant sur mon jeu d'acteur que sur les Khmers rouges. Il ne faut pas taire le caractère sanguinaire de ce régime pour que les Cambodgiens n'oublient pas". L'acteur Vanny, qui joue un supérieur hiérarchique de Vanary, s'est glissé dans la peau de son personnage en visionnant, sur les conseils de l'exigeant Christophe Maltot, films et documentaires sur le Kampuchea démocratique. "J'ai finalement choisi de m'inspirer de Pol Pot. Une voix douce, caressante, un visage amical, et derrière ces faux airs, des intentions noires." Un personnage de séducteur perfide qu'il plante avec justesse. "Ce travail était très intéressant. Mais ce type de personnes qui n'ont que des belles paroles plein la bouche et des pensées cruelles plein l'esprit existe encore dans notre société...", relève-t-il. Quant au metteur en scène, Christophe Maltot, il confesse avoir trouvé avec Randal Douc "un auteur qui raconte à la fois une histoire et des sentiments très forts dans une période difficile de l'histoire". Ainsi, les personnages de la pièce, explique-t-il, entretiennent des relations rendues intenses et violentes par le contexte de la guerre. Les Hommes désertés constituent le premier volet d'un diptyque, baptisé Teuk Dey, une allusion au Cambodge d'eau et de terre. A ces hommes "désertés" qui se retrouvent face à l'absence, amputés de plusieurs choses, succèdent des hommes qui se découvrent avec quelque chose en plus, "des marques, tant physiques que morales, laissées par la guerre", raconte l'auteur, également professeur chargé de cours en mathématiques appliquées à l'Ecole Polytechnique. C'est le sujet de la deuxième pièce de Randal Douc, Rouge de la guerre, qui sera jouée l'an prochain, cette fois-ci en France, à Orléans, avec à nouveau Christophe Maltot aux commandes et la compagnie Articule sur scène. CB avec SG |
Lundi 25 septembre 2006Lettre ouverte.Alain Daniel, ex-directeur de la section langue et
littérature cambodgienne de l'INALCO
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